Titre officiel
L’approche canadienne par guidage optique pour les essais chirurgicaux pour lésions buccales : étude COOLS
Sommaire:
Le carcinome épidermoïde de la cavité buccale est une
maladie répandue partout dans le monde qui touche environ 300 000
nouvelles personnes chaque année. La récidive locale (observée chez environ 30
% des cas) et la formation d’une deuxième tumeur primitive sont courantes. De
plus, les répercussions du traitement sur les plans esthétique et/ou
fonctionnel sont souvent importantes. Les chiffres mentionnés font ressortir
l’urgence de concevoir une meilleure approche pour lutter contre cette maladie
meurtrière.
Il devient de plus en plus apparent que les cancers de la
cavité buccale se développent dans de vastes régions de tissu malade
caractérisé par des cellules génétiquement altérées répandues dans la cavité
buccale et présentes même dans la muqueuse buccale normale sur les plans
clinique et histologique. La résection complète de ces lésions est difficile
parce que les modifications à haut risque vont souvent au-delà de la tumeur
visible en clinique. Pour cette raison, la « pratique exemplaire »
actuelle consiste à réséquer la tumeur en plus d’une large marge (généralement
de 10 mm) de muqueuse d’aspect sain. Cependant, comme l’étendue de l’atteinte
occulte varie, cette approche se solde souvent par l’ablation d’une trop grande
quantité de tissu sain (avec de graves conséquences sur les plans esthétique et
fonctionnel) ou d’une trop petite quantité de tissu malade, comme en témoignent
la fréquence élevée de marges chirurgicales positives et le haut taux de
récidive locale ou régionale – l’échec de la « pratique exemplaire ».
De nombreuses publications étayent le bien-fondé de
l’utilisation de l’autofluorescence tissulaire pour la détection et le
diagnostic des lésions précancéreuses du poumon, du col utérin, de la peau et
de la cavité buccale. Cette approche est déjà employée en clinique pour le
poumon, et le mécanisme d’action de l’autofluorescence tissulaire est bien
décrit dans le cas du col utérin. La diminution de la fluorescence traduit une
interaction complexe entre les altérations des fluorophores tissulaires et les
modifications structurales de la morphologie tissulaire, chacune étant associée
à la progression de la maladie.
En tant qu’équipe reconnue à l’échelle internationale dans
l’application de la technologie de fluorescence tissulaire, nous avons montré
que les outils de visualisation directe de la fluorescence permettent de
déceler les lésions précancéreuses ou cancéreuses cliniquement visibles ou
occultes associées à des lésions à risque, à un haut grade histologique ou à
des changements moléculaires à haut risque. Dans le cadre d’une étude
rétrospective récente à petite échelle, nous avons montré que la visualisation
de la fluorescence (VF) aidait les chirurgiens dans la salle d’opération à
déterminer l’étendue de la région à haut risque entourant la tumeur et se
traduisait par un taux de récidive à 2 ans remarquablement plus bas (0 % avec
VF c. 25 % sans VF). Il est nécessaire de mettre en œuvre un essai comparatif
randomisé prospectif (phase III) à plus grande échelle afin de recueillir des
données solides établissant l’efficacité de la chirurgie guidée par la VF.
Des données sont requises pour étayer une modification de la
pratique clinique en faveur de la chirurgie guidée par la VF. Les trois
objectifs suivants ont été définis à cette fin :
Objectif 1 (données cliniques) : Évaluer l’effet
de la chirurgie guidée par la VF sur la survie sans récidive chez des personnes
atteintes d’un cancer confirmé par un examen histologique dans le cadre d’un
essai comparatif randomisé (efficacité). Hypothèse : La chirurgie guidée
par la VF améliorera la survie sans récidive.
Objectif 2 (données sur la qualité de vie) : Établir le
coût par récidive prévenue grâce à cette approche et évaluer la qualité de vie.
Hypothèse : La chirurgie guidée par la VF peut être pratiquée de manière
rentable et améliorer la qualité de vie des patients.
Objectif 3 (données scientifiques et moléculaires) :
Évaluer la présence de marqueurs moléculaires déjà validés (analyse des
microsatellites, perte d’hétérozygotie) et de changements histologiques
(anatomopathologie quantitative) dans les marges chirurgicales dans le cadre
d’une étude cas/témoins nichée utilisant une banque de tumeurs créée pendant ce
projet. Hypothèse : La chirurgie guidée par la VF sauvegardera le tissu
sain et favorisera l’ablation complète du tissu à haut risque.
Description de l'essai
Critère d’évaluation principal :
Critère d’évaluation secondaire :
- Données histologiques et moléculaires sur les marges
positives et la qualité de vie.
OBJECTIFS ET APPROCHES :
Objectif 1 (données cliniques) : Évaluer l’effet de la
chirurgie guidée par la VF sur la survie sans récidive chez des personnes
atteintes d’un cancer confirmé par un examen histologique dans le cadre d’un
essai comparatif randomisé (efficacité). Hypothèse : La chirurgie guidée
par la VF améliorera la survie sans récidive. Approches : Pour réaliser
cet objectif, il faut mettre sur pied un essai comparatif randomisé auprès de
200 patients répartis en deux groupes pour lesquels on comparera l’issue du
traitement. Le premier groupe subira une chirurgie classique lors de laquelle
les marges seront délimitées sous lumière blanche. Dans le deuxième groupe, les
marges seront délimitées avec l’aide de la VF. L’étude sera menée par une
équipe multidisciplinaire composée de chirurgiens, d’anatomopathologistes, de
coordonnateurs de projet et de spécialistes en VF. En plus de l’évaluation
préchirurgicale, tous les patients recrutés seront suivis tous les 3 mois
pendant les 2 premières années, puis tous les 6 mois le reste de la période
d’étude. Une biopsie sera pratiquée lorsque les données cliniques le
justifieront ou 2 ans après la chirurgie.
Objectif 2 (données sur la qualité de vie) : Établir le
coût par récidive prévenue grâce à cette approche et évaluer la qualité de vie.
Hypothèse : La chirurgie guidée par la VF peut être pratiquée de manière
rentable et améliorer la qualité de vie des patients. Approches : Pour
réaliser cet objectif, il faut recueillir des données financières et des
données sur la qualité de vie pour établir le coût par récidive prévenue de la
chirurgie guidée par VF et pour évaluer les répercussions de cette méthode sur
la qualité de vie. Pour évaluer les éventuelles conséquences psychosociales de
la chirurgie guidée par VF, nous mesurerons la qualité de vie globale. Nous
nous servirons du questionnaire validé EQ-5D et du questionnaire sur la qualité
de vie mesurée d’après l’évaluation fonctionnelle du traitement du cancer –
tête et cou (FACT-HN) pour déterminer la qualité de vie des participants à
chaque évaluation. Les questionnaires seront remplis au début de l’étude (avant
la chirurgie), puis 6 semaines, 3 mois et 24 mois après la chirurgie, dans le
cadre du suivi.
Objectif 3 (données scientifiques et moléculaires) :
Évaluer la présence de marqueurs moléculaires déjà validés (analyse des
microsatellites, perte d’hétérozygotie) et de changements histologiques
(anatomopathologie quantitative) dans les marges chirurgicales dans le cadre
d’une étude cas/témoins nichée utilisant une banque de tumeurs créée pendant ce
projet. Hypothèse : La chirurgie guidée par la VF sauvegardera le tissu
sain et favorisera l’ablation complète du tissu à haut risque. Approches : Pour
réaliser cet objectif, il faut obtenir le matériel conservé et le découper en
vue d’une étude cas/témoins nichée. Le nombre estimé de cas est de 30 (5 %
du groupe avec VF [100] + 25 % du groupe témoin [100]). De plus, il faudra
choisir 60 témoins qui seront appariés selon le sexe, l’âge, la consommation de
tabac et le siège anatomique. Cet objectif est essentiel pour démontrer une
modification des régions, c’est‑à-dire, la sauvegarde du tissu sain et
l’ablation totale du tissu occulte à haut risque. Les échantillons destinés à
l’étude moléculaire nichée seront analysés au laboratoire de Miriam Rosen
(analyse des microsatellites) et à la Cancer Imaging Unit de la BC Cancer
Agency (Calum MacAulay s’occupera de l’anatomopathologie qualitative). Les
protocoles d’analyse de ces échantillons ont déjà été publiés.
OUTILS D’ÉTUDE
- VELSCOPE® Nous avons récemment mis au point un appareil
portatif simple d’usage qui permet une visualisation directe de la fluorescence
des tissus de la cavité buccale. Cet appareil est commercialisé sous le nom de
VELScope® (LED Med Inc., White Rock, C.‑B.). Nous avons amorcé une étude
longitudinale pour déterminer dans quelle mesure l’utilisation de la VF pour la
délimitation des marges chirurgicales avait une incidence sur l’issue des
chirurgies du cancer de la cavité buccale. De 2004 à 2008, 60 sujets porteurs
d’une tumeur buccale de ≤ 4 cm ont été admis dans l’étude. Chaque cas a été
traité par excision chirurgicale seule et a été suivi pendant au moins 12 mois.
Trente-huit patients ont subi une chirurgie guidée par la VF dans laquelle la
marge chirurgicale a été placée 10 mm au-delà du périmètre de la perte
d’autofluorescence. Chez les autres patients (groupe témoin), la marge
chirurgicale a été placée 10 mm au-delà du bord de la tumeur défini par un
examen en lumière blanche classique. Une récidive (dysplasie sévère, carcinome
in situ ou carcinome épidermoïde du siège traité) a été observée chez 7 des 60
cas (12 %), tous du groupe témoin (25 % c. 0 %, p = 0,002). Ces données
laissent croire à l’utilité possible des modifications de l’autofluorescence
dans ce contexte clinique. Il est nécessaire de mettre sur pied un essai
comparatif randomisé à plus grande échelle pour confirmer l’efficacité de la
chirurgie guidée par la VF. Nous nous servons aussi de la VF pour surveiller
l’éventuelle réapparition de régions montrant une perte d’autofluorescence aux
sièges traités chez les cas ayant participé à l’étude longitudinale et
effectuons actuellement une évaluation provisoire des résultats de cette
surveillance. Dans certains cas, les régions où s’observe une perte
d’autofluorescence persistent, et leur intensité et leur taille augmentent avec
le temps et donnent naissance à des lésions cliniques contenant des cellules dysplasiques
ou cancéreuses.
PRINCIPAUX MEMBRES DE L’ÉTUDE ET DIRECTION DU PROJET
Notre équipe est dotée d’un noyau solide composé de
personnes qui travaillent ensemble depuis longtemps et qui ont établi
d’excellentes relations de travail, notamment des chirurgiens (les Drs Anderson
[coinvestivateur principal] et Durham), des anatomopathologistes (les Drs
Berean [coinvestivateur principal] et Zhang) et des médecins spécialiste en
médecine buccale (les Drs Poh [investigateur principal] et Williams). Ces personnes
occupent une place d’avant-plan sur la scène mondiale dans l’utilisation de la
visualisation de fluorescence en salle d’opération et en contexte de suivi. Le
Dr J. Lee, collaborateur du M.D. Anderson Cancer Centre, possède une vaste
expérience des essais cliniques, en particulier des essais comparatifs
randomisés. Il s’occupera de l’enregistrement de l’essai clinique, concevra un
programme de randomisation des patients, supervisera l’établissement du
protocole d’étude et travaillera avec le statisticien local (prof. Chen) à la
gestion au jour le jour des données. Le professeur Jiahua Chen, du Département
de la statistique de l’Université de la Colombie-Britannique, agira à titre de
biostatisticien et sera responsable de l’analyse des données et de la présentation
des données préliminaires au comité de surveillance de la sécurité des données.
PLAN D’ÉTUDE
L’étude proposée consistera en un essai comparatif randomisé
de phase III à double insu dont l’objectif sera d’évaluer l’effet de la
chirurgie guidée par la VF chez des patients atteints de dysplasie sévère, d’un
carcinome in situ ou d’un carcinome épidermoïde envahissant qui subissent une
chirurgie à visée curative. Au total, 200 sujets seront répartis de façon
aléatoire en deux groupes : un groupe (100 sujets) qui subira une
chirurgie avec VF pour la délimitation des marges et un groupe témoin (100
sujets) dans lequel on utilisera la lumière blanche classique. L’essai durera 5
ans, soit 2 ans pour recruter le nombre prévu de sujets et 3 autres années de
suivi.
Voir cet essai sur ClinicalTrials.gov